Deux cinémas, deux destins

Publié le par Ludovic Francisco

varietes.jpgComme beaucoup de cinémas de petite taille, le « Cosmos » de Chelles aura souffert ces derniers mois. Si le soutien des pouvoirs publics et l’organisation de séances pour les clientèles « spécifiques » lui permettent pour le moment de se maintenir à flot, le temps presse. Rouvert en décembre 2008, les Variétés de Vaires-sur-Marne, l'un des derniers cinémas associatifs du Nord Seine-et-Marne, poursuit son bonhomme de chemin, malgré les difficultés économiques connues par les petites exploitations.

 

Une saignée. La fréquentation du cinéma « Le Cosmos » a subi en 2009 une chute inquiétante : malgré la diffusion de près de 200 films, 13 % d’entrées en moins ont été enregistrées au guichet par rapport à l'année précédente. Un chiffre qui inquiète d’autant plus que la fréquentation moyenne des cinémas en France a été, l'année dernière, « exceptionnelle », selon le Centre national de la cinématographie (CNC). L’exploitant du « Cosmos », Espace Cinémarne, n’hésite plus à qualifier la situation de « catastrophique » : « Les difficultés que nous traversons sont globalement les mêmes que celles de la petite et de la moyenne exploitation cinéma », déplore son directeur, Luc Engelibert. « Contrairement à ce que l’on croit, la démocratisation des salles multiplex n’est pas tellement le problème. Ce qui est problématique est que les distributeurs n’ont, de leur côté, pas multiplié le nombre de copies en conséquence. Résultat : si vous suivez la programmation du Cosmos depuis trois ans, vous constatez que nous avons moins de sorties nationales. Il n’y a pas si longtemps, il était encore possible de programmer un blockbuster comme « Harry Potter ». Ça, c’est terminé. Même pour un film français édité à 400 copies, nous ne sommes plus la priorité. Je ne parle pas des films d’Art et d’Essai, qui sortent à 100 copies. Et lorsque, par chance, nous parvenons à obtenir un film de large audience, comme « Le Concert », ça n’est qu’en quatrième semaine, lorsque le film est « fini », comme on dit dans notre jargon. »

 

Des partenariats pour éviter la faillite

 

Le cinéma, placé en délégation de service public depuis bientôt dix ans, bénéficie jusqu’à présent des généreuses subsides de la ville. Pas moins de 156.000 euros ont ainsi été versés à l’Espace Cinémarne en 2009. La communauté d’agglomération Marne-et-Chantereine y est même allé de son écot en fixant sa subvention annuelle à 10.000 euros. « Malgré ces subventions, nous sommes déficitaires, c’est clair », reconnaît le directeur. « Sur l’année 2009, les comptes ne sont pas à l’équilibre. » Face à cette situation critique, l’exploitant et la ville mettent en place depuis plusieurs années différents partenariats. Le plus efficace pour le moment est l’organisation de séances pour les scolaires. Durant les fêtes, le « Cosmos » a par exemple a diffusé plusieurs films, ce qui a permis de gonfler « artificiellement » la fréquentation : « Grâce à ce dispositif, « Arthur et la vengeance de Maltazard » a fait le plein auprès des CM1-CM2. Idem pour « Loup », que nous avons diffusé aux CE1-CE2 », détaille Florence Clerc, directrice adjointe. Autre planche de salut, pour le moment, du « Cosmos » : les partenariats mis en place avec les associations, bibliothèques, lycées, théâtres de l’agglomération, car il est avéré qu’un quart de la clientèle n’est pas chelloise : « Nous organisons des rencontres, des débats avec les professionnels du cinéma, comme pour « Welcome », pour lequel nous avons du coup enregistré plus de 800 entrées. Mais ce travail d’animation a un coût. Nous y consacrons près d’un quart de nos subventions », explique Luc Engelibert.

 

S’agrandir pour survivre

 

Pour sortir de l’ornière, il n’y a pas trente-six solutions : le « Cosmos » doit s’adapter, ou mourir : « Les multiplex ont défini un standard de cinéma. Le parking est gratuit, on peut y boire un verre, s’offrir une confiserie, acheter un t-shirt, etc. On y passe en moyenne deux à trois heures. Un cinéma comme le « Cosmos » ne répond plus du tout à ces attentes-là. Nous discutons depuis deux ans avec les élus sur un projet de cinéma de quatre ou cinq écrans, au lieu de deux actuellement. C’est seulement à cette condition que nous pourrons offrir un service de qualité aux habitants de l’agglomération, à la fois en offre, en fréquence et en animation. Et ainsi satisfaire tous les publics, enfants, familles, amateurs d’Art et d’Essai, de films de moyenne audience et de sorties commerciales. » « Une seule chose est sûre : ce nouveau cinéma ouvrira ses portes en centre-ville », affirme de son côté Emeric Bréhier, conseiller municipal de Chelles. « Le reste est dépendant de l’évolution de la ZAC centre-gare, qui a connu quelques retards. Des études sont en cours visant à déterminer quelle est la forme juridique la plus appropriée pour l’exploitation de ce cinéma. Mais toutes nous disent la même chose : il y a de la place dans le secteur pour faire fonctionner un cinéma. Nous espérons ouvrir avant la fin de l’actuel mandat (2014, ndlr). Mais tant qu’il n’existe pas de bâti, il est difficile de s’avancer. » 

 

L'euphorie de la réouverture

 

Lorsqu'elles rouvrent au public, le 17 décembre 2008, les Variétés de Vaires-sur-Marne créent l'événement. Trois ans plus tôt, la décision de la maire Danièle Querci (PS) de ne plus verser de subvention à l'Avac, l'association chargée de faire fonctionner le cinéma, avait fait grand bruit. Une pétition avait même circulé pour réclamer la réouverture de la salle. Le sujet était devenu si sensible localement que le candidat UMP aux élections de 2008, Jean-Pierre Noyelles, avait fait figurer le rétablissement de l'activité cinéma dans son programme. Promesse qui, de l'avis de tous, participa sans aucun doute à le faire élire. Le 17 décembre, donc, les spectateurs sont réunis en masse pour assister à la renaissance des Variétés. Pour faire consensus, l'association avait programmé un documentaire de Disney consacré aux flamants roses, "Les Ailes pourpres". Et l'euphorie a perduré... du moins un temps. "Les premières semaines ont été marquées par un afflux très important de spectateurs, note Bernard Niclot, président de l'Avac. Nous avons enregistré, durant le premier trimestre 2009, environ 300 spectateurs environ par séance. Mais il faut reconnaître que l'engouement est un peu retombé par la suite. Nous culminons actuellement à 200 entrées, avec quelques réussites ponctuelles, comme "Australia", qui a réalisé 500 entrées, "Camping 2", "Avatar" ou "Lol", qui ont tous fait plus de 350 entrées." Les lendemains sont donc un peu plus difficiles que prévu pour le cinéma associatif. Ce qui ne manque pas d'agacer Monique Coulais, adjointe au maire, qui, au même titre que trois autres élus, siège au conseil d'administration et participe donc à la prise de décisions concernant la gestion des lieux : "Dans la rue, quand j'incite les Vairois à venir, ils me répondent : "On n'est pas loin, on peut venir quand on veut". C'est bien ! Mais j'aimerais qu'ils le fassent vraiment !"

 

60 000 euros annuels pour faire tourner les Variétés

 

Une situation d'autant plus décevante que la Ville a consenti d'importants efforts financiers pour satisfaire sa population : le matériel sonore et vidéo a ainsi été remplacé, pour 40 000 euros, afin d'augmenter le rythme de diffusion, limité jusque là à un film quotidien, à deux films par jour. Ce qui fait, par semaine, huit séances. Somme à laquelle il faut ajouter les 50 000 euros annuels, sans lesquels l'association serait dans l'incapacité de faire fonctionner le cinéma. Cet argent permet notamment de louer les bobines et de rétribuer le personnel. Depuis le début de l'année, la communauté d'agglomération Marne-et-Chantereine, paie également son écot, soit 10 000 euros. "Au cours des années à venir, il est possible que cette subvention vienne à baisser, prévient Monique Coulais. Mais, en tout état de cause, 50 000 euros, ça ne me paraît pas prohibitif. Dans le cadre d'une délégation de service public, nous payerions au moins le double. Pour ce qui nous concerne, à défaut de pouvoir engranger des bénéfices, nous nous contentons de limiter les frais." Dans un même souci d'économie, l'Avac a embauché un projectionniste, mettant fin à la collaboration avec une société sous-traitante. "Sur la fin, il y avait beaucoup d'abus, affirme Bernard Niclot. Les objectifs n'étaient pas au point, les films commençaient en retard... Ça se passe beaucoup mieux depuis. Et cela coûte beaucoup moins cher." "De toute façon, cette réouverture est une réussite, tranche Monique Coulais. La salle draine non seulement les Vairois, mais également des Breuillois et des Chellois. Les spectateurs, qui sont en très, très grande majorité des habitués, nous sont fidèles. Aujourd'hui, les Variétés se maintiennent à flot. Je serais beaucoup plus inquiète si j'étais un petit exploitant privé."

Publié dans culture

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