Réunions de crise pour endiguer la violence

Publié le par Ludovic Francisco

Le fléau de la violence, qui gangrène ces dernières années les rapports entre plusieurs communes du Nord du département, a conduit la ville de Vaires-sur-Marne à organiser deux réunions de crise. L’une pour éteindre l’incendie, l’autre pour trouver des solutions à plus long terme. Une première.

 

La gare transformée en champ de bataille. Le lycée Louis-Lumière mué en zone de combat. C’est, depuis plusieurs années, le lot commun de Vaires et de Chelles, où éclatent régulièrement des affrontements entre bandes rivales. Ces dernières semaines, la violence a atteint son point culminant. Du propre aveu d’un jeune Vairois, « si on continuait, il y allait avoir un mort ». « Les jeunes se promenaient avec des couteaux et des armes à feu, affirme Nabil Soualmi, animateur de la Maison de la danse à Chelles. Les rixes avaient lieu quasiment tous les jours. Le drame du Kremlin-Bicêtre n’était pas loin. » L’information remonte jusqu’à Aurida Naji, responsable des dispositifs d’aide à la jeunesse de Vaires. Elle tire la sonnette d’alarme : « Déjà, en 2008, des bagarres avaient conduit un jeune de Lagny à l’hôpital. Il fallait faire quelque chose. » La coordinatrice se tourne alors en urgence vers le maire UMP de la ville, Jean-Pierre Noyelles, pour lui demander d’organiser une réunion de médiation. L’élu dit banco. Malgré la réticence des jeunes, une première rencontre est organisée. Mais une bagarre éclate la veille. Les responsables craignent des représailles. On annule. Une semaine plus tard, le 20 janvier, quatorze jeunes, sept de chaque ville, ainsi que six animateurs, deux éducateurs et deux chefs de service se rendent dans le centre pour pré-ados du Bois de Vaires. Le lieu a été tenu secret jusqu’au dernier moment, par crainte de guet-apens. Les téléphones ont été confisqués. Mais, assure-t-on en contrepartie, la police n’a pas été invitée.


Les jeunes ont réglé leur différend sans violence

 

Disposés face-à-face, l’air à la fois bravache et incrédule, les jeunes, triés sur le volet, se tiennent néanmoins tranquille. « Evidemment, cette réunion avait été balisée, rassure Nabil Soualmi. Nous avons édicté quelques règles : chacun parle calmement, chacun son tour, on ne hausse pas le ton, etc. On leur a dit : "Prouvez-nous que vous êtes adultes. Nous ne vous demandons pas de vous réconcilier. Vous devez juste clarifier la situation. Remonter aux sources du problème et essayer de l’aplanir une bonne fois pour toutes". » Après quelques minutes d’observation, l’abcès est crevé. Les jeunes Vairois reprochent à leurs voisins de ne pas pouvoir se rendre à la Mission locale ou à l’ANPE de Chelles sans se faire tomber sur le râble. Les Chellois, de leur côté, dénoncent la publication d’une vidéo sur Internet, dans laquelle l’un d’eux se fait molester par de jeunes Vairois. Mais qui sont, précisément, ces jeunes ? Agés entre 17 et 22 ans, ils habitent Paul-Algis, l’ancienne cité EDF, les Cressonnières ou Chantereine. Plutôt qu’un quartier, ils revendiquent leur appartenance à leur ville. « A Vaires, les jeunes se considèrent comme des Vairois avant tout. C’est d’ailleurs le sens de leur blason : « Seriav », qui signifie « Vaires » en verlan », note Aurida Naji. Au terme de la réunion, le différend semble aplani. Les jeunes acceptent même de partager un soda. « Il fallait les laisser se dire certaines choses qu’ils ne pouvaient pas faire en notre présence, poursuit-elle. Sans en venir aux mains bien sûr. Mais aucune violence ne s’est produite. A la fin, des jeunes sont venus remercier les animateurs. » Depuis cette rencontre, aucune violence n’a été signalée à Chelles et à Vaires.

Les élus de tous bords veulent trouver une solution commune

 

L’incendie temporairement écarté, il est temps de réfléchir au moyen d’éviter un nouvel embrasement. Jean-Pierre Noyelles prend cette fois l’initiative d’organiser une réunion entre élus des communes concernées par le phénomène. Car Vaires et Chelles n’ont, bien entendu, pas l’apanage de la violence. Meaux, Torcy, Lagny et plus généralement toutes les communes qui possèdent une gare ferroviaire connaissent la violence. A l’invitation de Jean-Pierre Noyelles, se rencontrent le 25 février dernier le maire (NPS) de Torcy, Christian Chapron, l’adjoint (PS) en charge de la sécurité de Chelles, Christian Synowiecky, son homologue à la jeunesse, Gilles Vigier, l’adjointe (SE) à la sécurité de Lagny, Geneviève Sert, le conseiller municipal (UMP) délégué à la sécurité de Meaux, Marc Féral, accompagnés de directeurs de structures et de représentants de la Suge, la police ferroviaire. Edmonde Jardin, élue à la jeunesse à Vaires, raconte cette réunion : « Malgré leurs approches a priori différentes du problème, tous les acteurs ont partagé le même diagnostic : la violence n’est pas seulement un problème ponctuel, c’est aussi un problème de fond. Et c’est surtout un problème qui nous concerne tous, et qu’on ne veut pas voir banalisé. Tout le monde a convenu qu’il était nécessaire que les services des différentes communes travaillent main dans la main pour échanger des informations. L’idée est de créer un observatoire local de la délinquance, ainsi qu’un comité de pilotage qui se réunira régulièrement pour évoquer ces questions. »


Les services de l’Etat saluent l’initiative

 

Présent lors de cette réunion, Pierre-Luc Moreau, directeur départemental Jeunesse et Sport, a salué l’initiative : « Je n’ai pas souvenir d’une telle démarche, non seulement en Seine-et-Marne, mais également dans toute l’Ile-de-France. Même au plus fort de la crise, à Villiers-le-Bel, à Clichy-sous-Bois, la stratégie affichée par les élus a souvent été le « chacun pour soi, chacun ses problèmes ». Le fait que plusieurs communes de sensibilités diverses aient accepté de se réunir autour d’une table, je trouve cela fort et encourageant. Le fait enfin que l’on accepte de traiter le problème en s’attaquant à sa source, conformément aux recommandations de Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse, est positif. » Et la mobilisation ne fait que commencer : une nouvelle réunion doit avoir lieu prochainement. Elle rassemblera cette fois tous les opérationnels : animateurs, éducateurs, policiers, magistrats, etc. Pour proposer des solutions concrètes à ce mal social.

Publié dans politique

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